Le Marais de la Grande Brière Mottière, labellisé site Ramsar, abrite une biodiversité exceptionnelle. Mais il est aussi le théâtre d’un conflit croissant entre usages humains et géoclimatiques : d’un côté, des chasseurs et pêcheurs observant le départ des oiseaux face à la baisse des eaux ; de l’autre, des agriculteurs qui fauchent du foin, contribuant au tarissement progressif.
Un conflit ancré dans l’histoire et la logique du marais
Historiquement, les habitants de la Brière ont défendu collectivement un usage équilibré de l’eau, refusant l’assèchement artisanal du marais au XIXᵉ siècle .
La chasse à la sauvagine y est ancrée culturellement, et les chasseurs locaux contribuent depuis les années 1950 à maintenir un environnement favorable au gibier aquatique.
Mais l’augmentation de l’agriculture de fauche et des prélèvements d’eau pour la production de foin fait baisser les niveaux d’eau, réduisant les zones humides utilisées comme refuge par les oiseaux et les poissons.
L’effet du dérèglement climatique
Les sécheresses récurrentes perturbent naturellement les mécanismes hydrologiques. Dans certains contextes similaires (comme le Marais poitevin), les prélèvements agricoles en période de sécheresse aggravent la perte d’eau des zones humides et compromettent leur rôle d’éponge fondamentale pour le territoire.
Pourquoi la situation se tend
- Des usages concurrents : Agriculteurs souhaitent des niveaux bas pour faucher, les chasseurs/pêcheurs ont besoin d’eau pour conserver les zones submergées d’avril à octobre.
- Méconnaissance mutuelle : Chacun agit en fonction de sa logique d’usage sans comprendre pleinement l’impact des leurs sur celle des autres.
- Absence de plateforme de dialogue collective : les décisions hydrauliques sont gérées localement, parfois de façon non concertée, suscitant frustrations et méfiance.
- Un enjeu écologique : la perte des milieux humides, la prolifération d’espèces invasives comme la jussie, et l’appauvrissement de la biodiversité.
Apport d’une approche de médiation associative / environnementale
Comme médiateur, je proposerais un cadre où :
- Les usages et ressentis de chacun sont entendus, sans jugement ni hiérarchie.
- On clarifie les faits hydrologiques (observations empiriques, variations saisonnières, changements climatiques).
- On met en lumière les besoins sous-jacents : qu’il s’agisse de sécurité économique pour les agriculteurs ou de maintien de l’habitat pour la chasse et la pêche.
- On co-construit ensemble un protocole de gestion de l’eau, aux marges de modélisation hydraulique, pour ajuster les prélèvements à la recharge naturelle.
Ce que pourrait permettre la médiation
- Une charte locale sur les périodes de prélèvement, tenant compte des périodes de reproduction et d’immersion.
- La création d’un comité local de gouvernance, réunissant élus, agriculteurs, chasseurs, pêcheurs, agents du Parc Naturel Régional.
- Un suivi participatif, citoyen et scientifique, pour ajuster les pratiques en temps réel.
- Un plan de partage de connaissance, afin que chacun comprenne l’impact des variations hydrologiques sur les usages partagés.
Pourquoi faire appel à la médiation maintenant ?
- Le changement climatique montre déjà ses effets sur le régime d’eau du marais.
- L’absence de dialogue pragmatique fait monter les tensions entre usagers et affecte la qualité écologique du territoire.
- La médiation permet d’éviter les blocages institutionnels, les recours formels ou le conflit ouvert dans la région.
Un besoin de cohabitation durable
Le Marais de Brière est un patrimoine vivant, fragile et partagé. Il est urgent de réconcilier les usages ancestraux avec les exigences écologiques d’aujourd’hui. La médiation n’est pas une illusion : c’est un moyen concret de construire ensemble une gestion de l’eau responsable, équitable et durable.
